Harpreet Bagga
Cette année, la COP mettra “la nature, les populations, les vies et les moyens de subsistance au cœur de l’action climatique“. À ce stade, on s’accorde de plus en plus à dire que le mouvement climatique doit devenir plus inclusif. Toutefois, la nature de cette transition et les moyens de la mettre en œuvre font encore l’objet de débats. Pour une transition plus inclusive vers des solutions à faible teneur en carbone, il ne suffit pas d’avoir un public mieux informé ou les bonnes déclarations politiques en place. Nous avons besoin d’un engagement significatif de la part des publics concernés. Tout d’abord, nous devons leur donner des raisons de se préoccuper d ‘un avenir à faible teneur en carbone, puis nous devons créer des solutions qui s’inspirent directement de leurs points de vue. Communiquer plus efficacement sur les risques du changement climatique ne suffit pas à modifier les comportements ou à susciter l’adhésion à l’échelle dont nous avons besoin, ni à éliminer les obstacles actuels à l’adoption. Comme l’ont souligné Benjamin K. Sovacool et Steve Griffiths, “en fin de compte, le véritable potentiel des transitions à faible émission de carbone restera limité sans des programmes sensibles et bien conçus qui surmontent activement les obstacles créés par la culture, dans toutes ses manifestations saillantes et complexes”.
“En fin de compte, le véritable potentiel des transitions à faible émission de carbone restera limité sans des programmes sensibles et bien conçus qui surmontent activement les barrières créées par la culture, dans toutes ses manifestations saillantes et complexes.
– Les obstacles culturels à un avenir sobre en carbone : Examen de six transitions en matière de mobilité et d’énergie dans 28 pays
Malheureusement, l’élaboration d’un récit a semblé périphérique à l’accélération de la transition énergétique et du financement du climat. Cela me rappelle l’histoire de deux jeunes poissons qui, en nageant, rencontrent un vieux poisson sage qui vient en sens inverse. Le poisson sage demande “Comment est l’eau aujourd’hui ?” et les jeunes poissons ignorent la question. Un peu plus tard, l’un des jeunes poissons demande à l’autre : “Mais qu’est-ce que l’eau ? “Qu’est-ce que l’eau ?”
Comme l’eau pour les poissons, les récits ont tendance à être des courants invisibles mais puissants. Ce sont des forces motrices centrales au sein de nos cultures, qui façonnent les normes et les valeurs et renforcent les comportements. Comme l’eau, les récits opèrent à plusieurs niveaux : à la surface, sous forme de vagues de messages destinés au public et soutenus par des flux submergés de discours sur des questions spécifiques dans le secteur, et à des niveaux plus profonds, sous forme de courants de méta-récits ou de paradigmes culturels qui sont moins visibles mais fondamentaux.
Dans la ville de Bengaluru, le collectif Alli Serona, incubé par Purpose, a mobilisé plus de 200 femmes issues de la main-d’œuvre informelle pour plaider en faveur de meilleurs services de bus à proximité de leur domicile. Ces femmes sont devenues de puissants moteurs de changement, mais leur engagement final a d’abord nécessité deux changements fondamentaux de perception. Tout d’abord, elles ont dû se mettre d’accord sur le fait que les transports publics actuels constituaient un obstacle important à leur qualité de vie. Deuxièmement, elles devaient se considérer comme des agents de pouvoir – une force capable de travailler avec succès avec leurs représentants locaux pour obtenir des améliorations. Ce deuxième changement a nécessité que les femmes repensent leur propre positionnement, car les femmes, en particulier celles du secteur informel, sont souvent négligées dans le processus de planification des infrastructures. Alli Serona leur a donné l’occasion de se réunir pour partager leurs espoirs d’une vie facilitée par de meilleurs transports publics, a amplifié ces histoires pour qu’elles atteignent le reste de la ville, et a créé un sentiment de solidarité en co-concevant la première installation d’arrêts de bus mobiles. En conséquence, la Bengaluru Metropolitan Transport Corporation lancera bientôt des études de faisabilité pour les lignes de bus recommandées par ces femmes qui avaient jusqu’à présent été complètement ignorées.
Les femmes d'Alli Serona - un collectif créé à dessein pour la main-d'œuvre informelle afin de plaider en faveur de meilleurs services de bus à proximité de leur domicile.
Pourquoi ce travail de construction narrative est-il nécessaire aujourd’hui ? À une époque où les objectifs sont ambitieux et l’action limitée, nous avons besoin d’histoires hyperlocales et de conteurs de confiance capables de créer des récits contextuels locaux et culturels expliquant pourquoi l’action climatique est importante. Il est temps de sortir le changement climatique du domaine de la science pour le faire entrer dans celui de la culture. Sans accroche émotionnelle ou point d’entrée personnel dans le changement climatique, nous perdrons le pouvoir potentiel des publics qui peuvent être conscients de ses impacts, mais qui ne se sentent pas investis dans les solutions. Nous devons faire passer le public de la prise de conscience au changement de comportement au niveau individuel, communautaire et sectoriel. Les leaders en matière de climat doivent se rappeler qu’au-delà des solutions techniques et du jargon, ce sont les sentiments des communautés à l’égard de l’action climatique qui déterminent véritablement les comportements sur le terrain. Les histoires que nous nous racontons et que nous racontons aux autres sont au cœur de la manière dont les êtres humains donnent un sens au monde. La construction d’un récit culturel intentionnel, axé sur l’équité, est un multiplicateur de force et un catalyseur du changement de comportement des élites et des communautés dans la poursuite des transitions climatiques. La COP28 sera le théâtre d’un duel fascinant de récits de transitions justes. Comme le dit Wanjira Mathai, directrice exécutive du WRI, “Bien que nous soyons dans la même tempête, nous ne sommes certainement pas dans le même bateau”. Veillons à ce que tous les bateaux puissent participer et forger des récits inclusifs afin d’orienter les mois et les années à venir vers une action collaborative.
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